Que la fête commence...

Alors que le Mondial 2014 s’ouvre d'ici une demi-heure par un alléchant Brésil – Croatie, j’ai envie de revenir quelque peu sur les oppositions entre les forces de l’ordre et les manifestants dans les rues de Sao Paulo ainsi que sur les demandes de boycott de la compétition que l’on a pu voir sur les réseaux sociaux, histoire de mettre les choses au point avant que la fête commence. 

Ces dernières années, le moins que l’on puisse dire, c’est que les dernières attributions de Mondial (Afrique du Sud, Brésil, Russie, Qatar) ont suscité les plus vives réactions et les mouvements de contestations, que ce soit de la part du peuple accueillant la compétition, ou du grand public.

Nous avons tous en mémoire ces townships sud-africains évacués de manière à rendre le pays plus "beau" aux yeux des touristes en 2010, et c’est un peu ce qu’il s’est passé au Brésil pour l’organisation de ce Mondial. De grands mouvements de contestations ont été lancés, déjà en 2013 à l’occasion de la Coupe des Confédérations. Les brésiliens en ont marre, et on les comprend. Quand votre gouvernement investit des milliards et des milliards d’euros dans des stades de foot (dont certains ne seront pas utilisés après le Mondial !) plutôt que dans la santé, l’éducation, la société, il y a de quoi avoir envie de se soulever. A Sao Paulo encore cet après-midi, les brésiliens sont dans les rues et font parler le peuple, qui en a assez de se voir traiter avec si peu d’égards.

Problème, du côté du Gouvernement brésilien et des sacro-saintes icônes brésiliennes comme Ronaldo ou surtout o rei Pelé, il n’y a pas de quoi en faire un drame. La grande fête du football mondial doit rester la priorité des priorités. Et puis, quand un Pelé vous dit "ce sont des choses qui arrivent" après qu’il y ait un mort sur l’un des stades en construction, cela vous montre à quel point ces derniers sont coupés du Monde, bien loin de la réalité que traverse le pays. Ils font la sourde oreille, et on ne parle même pas des hauts représentants des instances du football comme Michel Platini, qui abondait plutôt dans leur sens, demandant plus ou moins aux brésiliens d’oublier leurs problèmes l’espace d’un mois. Une véritable provocation, qui en fin de compte ne fait qu’attiser le désir de révolte légitime du peuple brésilien.

L’indignation des brésiliens, mais aussi du grand public est de ce fait grandissante. Des mouvements de contestations à l’extérieur du pays se font entendre, et certains appellent même au boycott de cette compétition à la télévision, comme on a pu le voir notamment sur les réseaux sociaux. Une façon de responsabiliser des personnes qui quelque part cautionneraient ce qui se passe au Brésil. Mais, même si je comprends tout à fait ce point de vue, je ne le partage pas pour autant. Si je suis entièrement d’accord avec les brésiliens dans les rues et si je n’apprécierais pas que mon pays préfère organiser une compétition estivale plutôt que de s’intéresser aux conditions sociales de mon pays, je ne partage absolument pas le point de vue accusateur de ceux qui reprochent aux autres de "cautionner".

J’y vois déjà deux raisons essentielles à mes yeux : premièrement, je n’ai pas décidé d’attribuer le Mondial 2014 au Brésil (ni les autres d’ailleurs). Je n’ai pas cette responsabilité et, au vu de la corruption présente sur ceux qui ont ce pouvoir, je ne préfère pas. Deuxièmement, le football ne doit en aucun cas pour moi être lié à la politique alors que les problèmes que traversent le Brésil eux, le sont à 100%. J’ai la sensation que l’on mélange ces deux notions et me demande alors pourquoi viendrais-je boycotter un sport et une compétition qui selon moi ne représente rien d’autre qu’un simple divertissement ? Si reproche à faire il y a, ce n’est certainement pas à ceux qui, fatigués après une dure journée de travail, profiteront de leur temps libre pour vibrer aux exploits de leurs joueurs préférés.

Le vrai reproche, est à faire auprès des instances du football, dont une partie non négligeable de ses membres est corrompues et est gavée de pot-de-vin et avantages en tout genre. Le vrai reproche est à faire aux Gouvernements de ces pays qui n’ont que faire des conditions dans lesquelles vivent leurs citoyens. Le Mondial se trouve aujourd’hui disputé dans des pays où une grande partie du peuple vit dans la difficulté (Afrique du Sud, Brésil), ou alors dans des pays qui font fi des droits de l’homme et où seul l’argent à la parole (Russie, Qatar). Ce sont ces gens là qu’il faut condamner, car ne nous y trompons pas, le football en tant que sport n'est absolument pas responsable de cette situation dramatique. A eux, je ne leur souhaite pas une bonne fête, car celle qu'ils ont organisé a probablement gâché la vie et le quotidien de milliers, de millions de personnes qui je l'espère sincèrement, pourront enfin un jour être prises en considération et vivre enfin de façon décente.

Aux autres, à ceux qui attendaient cela depuis 4 ans, qui sont passionnés de ce sport et avaient hâte de partager cette fête avec leurs amis ou leur famille, je leur souhaite un excellent Mondial 2014 !