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Eleven Football Club
27 novembre 2012

Italie - Le retour de la défense à 3 : simple mode ou révolution tactique

Après 10 journées de Série A, la Juventus fait cavalier seul en tête du championnat, elle qui reste sur une incroyable série de 48 matchs sans défaites. Avec 28 points, 22 buts inscrits pour seulement 5 encaissés, elle semble partie pour tout écraser encore cette saison. Derrière elle, seul l'Inter et le Napoli semblent être en mesure de les inquiéter, le Milan AC n'étant que l'ombre de lui même et l'AS Roma ayant complètement disparu du paysage. En s'attardant sur la Juve et le Napoli, une particularité tactique n'a pu vous échapper si vous avez regardé ces équipes jouer : chacune d'elle utilise un dispositif à trois défenseurs ! C'est cette particularité qui nous a donné envie de nous intéresser de plus prêt aux dispositifs utilisés dans ce championnat. Et quelle fut notre surprise lorsque l'on s'est aperçu que quasiment la moitié des équipes utilisaient un système à trois ! Chez nous, ceci passerait automatiquement pour une mode passagère. Pourtant, de l'autre côté des Alpes, on n'hésite pas à employer le mot révolution. Retour sur un phénomène pour le moins surprenant.

Depuis le début des années 2000, en Europe, plusieurs tendances au niveau "tactiques" se sont petit à petit dessinées. Sans vouloir être trop restrictif ou caricatural, il est possible de dégager trois-quatre principes de bases que l'on pourrait retrouver dans les schémas des plus grandes équipes européennes, utilisant pour une certaine majorité un schéma de type 4-3-3 :

  • Défense à quatre, avec des latéraux plus ou moins offensifs
  • Axe central solide, renforcé par une "sentinelle" postée devant la défense
  • Des ailiers, capables de défendre aussi bien que d'attaquer
  • Une pointe devant, qui doit se débrouiller seule

Parmi ces principes, évidemment, tous ne sont pas appliqués en même temps, des équipes continuent à jouer dans des systèmes à 2 pointes, d'autres jouent à 2 récupérateurs, avec des milieux latéraux plus que des ailiers, avec un meneur de jeux, bref, il y a des variantes, la seule certitude étant que nous rencontrons que peu de système à 3 défenseurs au plus haut niveau. Chez nous, par exemple, un tel système, agrémenté de deux latéraux au rôle défensif, est mis en place avec pour première intention d'asseoir sa défense, essentiellement pour se rassurer (voir par ailleurs)

Simple mode ou véritable révolution ?

Au début des années 2000, en Italie, une partie des équipes continuaient à évoluer dans des systèmes "old school" parmi lesquels certains à deux pointes, en 4-4-2 donc pour une partie, les autres se rapprochant petit à petit du 4-3-3. L'utilisation persistante d'un système en 4-4-2 était en fait liée en à l'héritage laissé par Arrigo Sacchi, entraîneur de légende du grand Milan AC au début des années 90, à une époque où défendre à 3 était une particularité italienne, quasiment une norme (tiens donc !). Mais essayons plutôt de revenir à notre constat de départ.

Depuis deux saison, il y a une réalité et elle est simple à constater : presque la moitié des équipes de Série A (8 équipes, 9 la saison précédente) joue actuellement dans un système à 3 défenseurs, que ce soit avec une tactique de type 3-5-2 (comme la Juventus) ou de type 3-4-3 (comme le Napoli la saison dernière). Parmi les équipes jouant avec un tel système on en retrouve certaines et non des moindres : la Juventus (1er), le Napoli (3ème) donc, mais aussi la Fiorentina (5ème), Parme (6ème), l'Udinese (9ème), ou encore Palerme (18ème), Bologne (19ème) et Sienne (20ème). Même le Milan AC d'Allegri a utilisé ce système ces dernières semaines, avec des fortunes diverses (défaite à Malaga, victoire face au Genoa, nul face à Palerme).  

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Les tactiques de la Juventus et du Napoli cette saison

En Italie, le mot révolution a tout bonnement été employé pour parler de ce phénomène. Mais peut-on réellement parler de révolution lorsque l'on sait que de tels schémas étaient utilisés dans les années 90, que ce soit en Italie ou ailleurs en Europe (par exemple, le grand OM, l'équipe d'Allemagne de Beckenbauer, la Juventus ou Parme au début des années 90) ? Ne s'agirait-il pas plutôt d'un phénomène de mode, d'un retour vers le passé, comme le pense Ivo Pulga, entraîneur de Cagliari et ancien joueur de Parme ? Pas exactement, si l'on considère la réputation des techniciens italiens, des références lorsque l'on parle tactique.

Il s'agirait plutôt en fait d'une forme de pragmatisme de la part de ces tacticiens, qui savent utiliser au mieux les qualités des joueurs qu'ils ont à disposition. Les joueurs offensifs du calcio étant de moins en moins doués (pas autant qu'à une époque), on peut imaginer que les entraîneurs privilégient une organisation plus solide à l'arrière et au milieu. Mais attention, dire de ces schémas qu'ils sont "de circonstance" serait bien trop réducteur, car certains de ces techniciens italiens sont carrément considérés comme de véritable spécialiste de la défense à 3, eux qui en ont fait la base de leur schéma tactique.

Zaccheroni, Guidolin, Mazzari, VRP du système

En Italie, ce que l'on considère comme un "nouveau courant de pensée" footballistique est en train de s'imposer comme une norme, au même titre que bon nombre de schéma tactiques à 4 défenseurs. Si cela est le cas aujourd'hui, au point que l'on en vienne à parler de révolution tactique, c'est dû à l'excellent travail accompli ces dernières années par certains entraîneurs qui ont eu recours à ce système, Alberto Zaccheroni en tête, mais aussi Francesco Guidolin avec l'Udinese, Walter Mazzari avec le Napoli, voire Antonio Conte avec la Juventus, qui semble lui aussi en avoir fait son système de référence.

Commençons par A. Zaccheroni : l'actuel sélectionneur du Japon fut l'un des derniers (si l'on excepte Conte la saison dernière) à avoir remporté le championnat d'Italie en utilisant un tel dispositif, avec le Milan en 1999. Son excellent travail avec l'Udinese entre 1995 et 1998 lui avait en effet ouvert les portes de club milanais. De l'excellent travail de Zaccheroni à l'Udinese en a découlé le choix du style de jeu de cette équipe qui s'est prolongé avec le temps. En effet, lorsque Zaccheroni quitte le club à l'intersaison 1998, F. Guidolin est recruté, mais avec la mission de poursuivre le bon travail de son prédecesseur, et donc de conserver son identité de jeu. Une tactique que l'originaire de Trevise à continué à utiliser, même 14 ans après.

Autre partisan de la défense à 3, Walter Mazzari, qui a fait du Napoli une équipe à nouveau crédible sur la scène nationale et continentale. Vainqueur de la dernière coupe d'Italie, il fait pratiquer à son équipe un football très séduisant, grâce notamment au duo Hamsik-Cavani. Le Napoli est probablement l'équipe actuelle qui maîtrise le mieux ce système. Antonio Conte, quant à lui, n'est au départ pas forcément lié à la défense à 3, mais il s'est parfaitement adapté aux joueurs dont il disposait, en aligant le trio Barzagli-Bonucci-Chiellini derrière. On imagine difficilement aujourd'hui la Juventus jouer autrement. Par ailleurs, d'autres entraîneurs sont carrément estampillé "défense à 3". Outre Guidolin, Mazzari et Conte, citons Serse Cosmi (Sienne), Roberto Donadoni (Parme), Gian Piero Gasperini (Palerme), ou Stefano Pioli (Bologne). 

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Le club des 8 (Conte-Mazzari-Montella-Donadoni-Guidolin-Gasperini-Pioli-Cosmi)

Du côté des résultats cette saison, difficile de dire si un système est meilleur qu'un autre. En effet, un rapide coup d'œil au classement permet de voir que l'on retrouve par exemple 2 équipes parmi trois premières (Juve, Naples), mais aussi les 3 actuels relégables (Palerme, Bologne, Sienne). Du côté du spectacle, on peut faire le même constat : ce n'est pas parce qu'on joue a trois que l'on marque et prend moins de but. Ceci dit, c'est bien la défense à 3 qui est en vogue là bas, et l'on est de plus en plus séduit, au point que les entraîneurs en soient récompensés : qui a été élu Panchina d'Oro (trophée récompensant le meilleur entraîneur de Série A) en 2011 ? Guidolin. Et qui possède de grande chance de remporter le Panchina d'Oro 2012 ? Conte. Autrement dit, deux des adeptes de la "défense à 3".

 

Est-il envisageable de voir cette tendance s'accentuer ? Tout est possible, et nous pouvons être sûrs que si les organisations en 3-4-3 ou 3-5-2 continuent à se montrer efficaces, de plus en plus de techniciens finiront par se laisser séduire par ces systèmes. Les italiens se montrent comme très souvent à la pointe de ce qu'on pourrait appeler "l'innovation tactique". Difficile cependant, de parler de nouveauté, de tels systèmes ayant fait leurs preuves par le passé. Ceci dit, on ne peut que reconnaître le pragmatisme et l'audace de ces techniciens qui, petit à petit, remettent au gout du jour les systèmes à 3 défenseurs. Un retour vers le passé donc, que l'on a pu revoir au plus haut niveau cette année avec la Juventus en Ligue des Champions, ou encore avec leur sélectionneur, le romantique Cesare Prandelli, qui n'a pas hésité à aligner 3 défenseurs lors des deux premiers matchs du dernier Euro, face à l'Espagne et la Croatie. Elle y avait été plutôt séduisante. Peut-être avons nous trouvé la tactique phare des prochaines années. Alors wait and see...


La défense à 3 en France : Un recours plus qu'une réelle volonté

En France, l'utilisation d'un système à 3 défenseurs est très rare. A vrai dire, cette tactique est généralement utilisée par les équipes qui sont engagées dans une spirale négative ou font face à de gros problèmes défensifs. Derniers exemple du recours à un tel système, Bordeaux et Nancy. Du côté des girondins, Francis Gillot a fini par se laisser séduire par une tactique qui lui permet d'utiliser au mieux les qualités de ses latéraux Mariano et Trémoulinas. Chez les nancéiens, ce système a été utilisé avec comme principal objectif de solidifier la défense et de retrouver la victoire, mais celui-ci a été abandonné sitôt que les problèmes étaient réglés. En clair, quand en Italie la défense à 3 est un moyen d'utiliser au mieux les qualités des joueurs, en France, il s'agit avant tout d'un moyen de défendre davantage et de laisser passer l'orage. Peut-être que nos entraîneurs, pas aussi "tactiquement" réputés que leurs homologues italiens, ne voient pas l'intérêt de passer à 3 derrière ou craignent que leurs joueurs ne puissent s'adapter au système. En tout, cas, la révolution tactique qui s'opère en Italie ne devrait pas atteindre nos entraîneurs français.


 

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